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Lettre d'information 2022/1

mars 2022

Introduction

J’ai le plaisir de vous présenter l’édition du printemps 2022 de la lettre d’information du Tribunal, qui a été rédigée à l’issue de la cinquante-troisième session du Tribunal – où nous avons pu, pour la première fois depuis le début de la pandémie de COVID-19, en mars 2020, réunir les 21 juges à Hambourg.

Les sessions du Tribunal sont consacrées aux questions organisationnelles et administratives, ainsi qu’à l’examen des développements juridiques et judiciaires. Au cours de cette dernière session, les juges ont examiné les rapports préparés par le Greffe concernant les faits nouveaux se rapportant au droit de la mer. Ils ont également approuvé le rapport annuel du Tribunal pour 2021 et le projet de budget 2023/2024, qui seront soumis à la Réunion des États Parties en juin. Les juges ont également eu l’occasion d’assister à la cérémonie de clôture du programme TIDM-Nippon Foundation de renforcement des capacités et aux présentations des boursiers sur les recherches qu’ils ont menées au cours du programme. Je suis persuadé que chaque boursier retournera auprès de son gouvernement ou de son institution d’attache avec une compréhension approfondie des mécanismes de règlement des différends prévus par la Convention et une capacité accrue de formuler des avis à leur sujet, et nous nous réjouissons que le programme reprenne en juillet pour son édition 2022/20223 – à laquelle il est encore temps de postuler.

Cette année marque le 40e anniversaire de l’adoption de l’acte constitutif du Tribunal, la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Une telle occasion permet à tous ceux qui travaillent dans le domaine du droit de la mer et de la gouvernance des océans de réfléchir aux réalisations de la CNUDM, et en particulier au rôle joué par le Tribunal dans le règlement des différends relatifs à l’interprétation ou à l’application de la Convention.

À notre époque, il est important de rappeler le principe fondamental du droit international selon lequel les États doivent régler leurs différends internationaux de manière pacifique, un principe qui s’applique également au droit de la mer. En effet, faisant écho à la Charte des Nations Unies, la partie XV de la Convention établit un vaste système obligatoire de règlement pacifique des différends relatifs à l’interprétation ou l’application de la Convention. Dans ce système, les États Parties à la Convention sont d’abord tenus de résoudre leurs différends par tout moyen pacifique de leur choix puis, lorsqu’un tel règlement s’avère impossible, obligation leur est faite, à quelques restrictions et exceptions près, d’avoir recours à une juridiction internationale. En tant qu’instance centrale de règlement des différends sous le régime de la partie XV, le Tribunal a contribué de manière significative à la réalisation des objectifs de la Convention que sont « le renforcement de la paix, de la sécurité, de la coopération et des relations amicales entre toutes les nations, conformément aux principes de justice et d’égalité des droits [et] conformément aux buts et principes des Nations Unies, tels qu’ils sont énoncés dans la Charte ».

Quarante ans plus tard, c’est exactement ce que la Convention a fait, notamment grâce au travail du Tribunal. Non seulement le Tribunal a fait ses preuves en aidant les États dans leurs efforts pour parvenir à un règlement pacifique de leurs différends au fil des ans, mais je suis fermement convaincu que le Tribunal jouera également un rôle crucial dans l’interprétation et l’application des règles de la Convention lorsque de nouvelles questions juridiques se poseront. Les questions juridiques relatives au changement climatique, à l’élévation du niveau de la mer et à la conservation et à l’utilisation durable de la diversité biologique marine dans les zones situées au-delà de la juridiction nationale ne sont que quelques-uns des exemples où le Tribunal pourrait être appelé à faciliter le règlement pacifique des différends, tant aujourd’hui que dans le futur.

La diversité de ses juges et leur expertise en droit de la mer font que le Tribunal est en mesure de remplir avec succès son mandat. À mesure que de nouveaux défis apparaissent en lien avec les océans, cette diversité et cette expertise sous tous leurs aspects, qu’il s’agisse du genre, de la culture ou des systèmes géographiques et judiciaires représentés parmi les juges, seront cruciales pour le règlement pacifique des différends. À cet égard, je considère la célébration de la première Journée internationale des femmes juges, au début de ce mois, comme une reconnaissance importante du rôle indispensable que la diversité ne cessera de jouer dans le système judiciaire international.

J’espère que vous prendrez plaisir à lire la présente lettre d’information.

Très chaleureusement,

Le Président

Albert Hoffmann

Affaires devant le Tribunal

Affaire no 28 : Différend relatif à la délimitation de la frontière maritime entre Maurice et les Maldives dans l’océan Indien (Maurice/Maldives)

Conformément à l’ordonnance du Président de la Chambre spéciale du 15 décembre 2021, la réplique de Maurice est attendue en avril 2022 et la duplique des Maldives en août 2022.

Article de la juge Infante Caffi (Chili)

Quarante ans pour se tourner vers l’avenir

On ne saurait imaginer meilleure occasion que le 40e anniversaire de l’adoption de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer pour réfléchir à la place et au rôle des pays d’Amérique latine et des Caraïbes dans la promotion de l’efficacité de la Convention et de la pertinence de celle-ci dans la conjoncture mondiale actuelle. Au-delà de l’aspect nostalgique, il convient de s’intéresser aux événements, tout comme aux principales personnalités et représentants qui ont rendu la Convention possible en 1982. Dans ce processus, les participants régionaux ont non seulement été présents, mais ont également joué le rôle de fins débatteurs dans toutes les discussions, tout en proposant des idées pour parvenir à un consensus.

La Convention, qui est l’aboutissement de ce processus intense et complet de négociations et de compromis, s’est avérée un instrument précieux pour répondre à l’évolution des préférences et des intérêts des États, et pour analyser les phénomènes qui relient le droit de la mer à des questions plus intersectorielles. Un exemple important à cet égard est la conservation des ressources halieutiques en haute mer et le renforcement des compétences de l’État du port et de l’État du pavillon à cet égard.

Par ailleurs, le phénomène du changement climatique, et ses répercussions sur la terre, l’atmosphère et les mers, montre de toute évidence à quel point il est pertinent de considérer l’interrelation des dispositions de la Convention avec d’autres instruments juridiques et techniques. Cela concerne directement les pays d’Amérique latine et des Caraïbes qui jouent également un rôle dans l’apport de meilleures réponses, tant au niveau national qu’international, en faisant valoir leurs propres perspectives politiques et juridiques. Ils auront également l’occasion de déployer leurs capacités en ce qui concerne les préoccupations soulevées par la navigation autonome.

Ces questions ne sont pas nouvelles, mais c’est maintenant, à notre époque, que plusieurs facteurs apportent différentes perspectives au rôle de la Convention. Parmi ces éléments, il faut reconnaître l’importance que les États d’Amérique latine et des Caraïbes ont accordée et continuent d’accorder à cet instrument. Les demandes adressées à la Commission des limites du plateau continental par un nombre important d’États s’inscrivent dans cette vision.

Les États Parties à la Convention, tout comme ceux qui n’y sont pas parties, mettent la Convention à l’épreuve pour qu’elle puisse continuer à régir ce qui a été convenu il y a 40 ans et répondre aux questions qui sont au cœur des préoccupations de la communauté internationale en ce qui concerne l’accès aux ressources naturelles et le contrôle de ces dernières, de même que le régime environnemental des activités menées dans la zone des fonds marins, en haute mer ou dans d’autres espaces maritimes. La Convention exerce une forte influence sur le choix des politiques maritimes et constitue un fondement essentiel des négociations. Les États prennent conscience que pour mener des négociations significatives sur des questions d’intérêt commun, les principes et les normes inscrites dans la Convention constituent un atout à préserver. Les États d’Amérique latine et des Caraïbes partagent cette préoccupation. Toute création d’une zone économique exclusive et toute délimitation d’un plateau continental partent de la revendication, de la coordination et de l’affirmation de droits souverains, et elles sont devenues des éléments intrinsèques de la tradition du droit de la mer. Les programmes de coopération régionaux et sous-régionaux menés en Amérique latine et dans les Caraïbes ont pour caractéristique commune d’être corrélés aux programmes ou objectifs mondiaux.

Dans ce contexte, certains États d’Amérique latine ont décidé de ne pas adhérer à la Convention. Néanmoins, ces États – en fonction du contexte national et constitutionnel qui est le leur – sont loin de méconnaître la sens de la Convention et la valeur normative de ses institutions lorsqu’elles sont étayées par des pratiques coutumières. Dans les débats qu’ils mènent sur l’applicabilité de certaines interprétations ou la portée de certains concepts dans des situations géographiques données, la Convention, en tant que telle, n’a jamais été remise en question. La pertinence la Convention et la place primordiale qu’elle continue à occuper dans le processus actuel d’étude et d’achèvement du code sur l’exploitation minière des grands fonds marins, conformément au principe du patrimoine commun de l’humanité, est une question qui intéresse tout particulièrement les États d’Amérique latine et des Caraïbes. Face à des questions hautement techniques, scientifiques ou politiques, la Convention sera un instrument qui permettra à ces États de faire front commun en conciliant leurs intérêts et leurs positions, ce qui viendra renforcer la pertinence de la Convention et des arrangements qu’elle consacre. L’impact environnemental de ces activités fait partie de l’ensemble de ces enjeux.

Le processus actuel des négociations BBNJ visant à adopter un instrument juridiquement contraignant sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine des zones situées au-delà de la juridiction nationale, constitue une autre tâche majeure entreprise par la communauté internationale. Ces négociations fixent des ambitions élevées pour les États d’Amérique latine et des Caraïbes, qui ont défini des objectifs clairs en matière de ressources génétiques marines. Les questions liées aux rapports avec d’autres instruments internationaux pertinents, tout comme les mécanismes de règlement des différends qui figureront dans tout régime futur, méritent que la région y apporte une réponse adroitement coordonnée.

Enfin, comme l’ont montré les résolutions sur les questions liées au droit de la mer adoptées par l’Assemblée générale des Nations Unies en décembre de l’année dernière, la préoccupation exprimée de voir les océans et les mers continuer à servir de toile de fond au développement durable actuel et à répondre aux besoins des générations futures est pleinement partagée par les pays d’Amérique latine et des Caraïbes.

Conférences

Le 29 mars 2022, le Président Hoffmann a prononcé le discours inaugural de la conférence « UNCLOS at 40 : An Assessment », organisée par le Centre de droit international (CIL) de l’Université nationale de Singapour. Le Vice-Président Heidar et les juges Jesus, Paik et Kittichaisaree ont également participé à ce programme de deux jours.

Renforcement des capacités

En juin 2022, le Tribunal accueillera un atelier intitulé « Le rôle du Tribunal international du droit de la mer dans le règlement des différends relatifs au droit de la mer ». L’atelier se tiendra à l’Institut international de droit maritime (IMLI) de Malte et permettra aux experts gouvernementaux travaillant dans le domaine maritime de se familiariser avec les procédures de règlement pacifique des différends relatifs au droit de la mer, telles que consacrées par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, en accordant une attention particulière à la compétence et à la saisine du Tribunal.

L’atelier inaugural du TIDM pour conseillers juridiques (parrainé par la République de Corée), destiné à des participants des États d’Asie du Sud-Est et des petits États insulaires en développement du Pacifique, qui était initialement prévu pour la fin de 2021 aura désormais lieu en septembre 2022. Cet atelier d’une semaine offrira aux participants une série de conférences et de discussions avec des juges, des universitaires et des praticiens.

Programme TIDM-Nippon de renforcement des capacités et de formation au règlement des différends relatifs à la CNUDM

Le 15e programme TIDM-Nippon de formation et de renforcement des capacités sur le règlement des différends relatifs à la CNUDM touche à sa fin. Après neuf mois intensifs de cours et de formations, les boursiers ont présenté en mars le résultat de leurs recherches aux juges. Leurs sujets de recherche étaient les suivants :

« Système de cogestion des ressources halieutiques dans les zones transfrontières: l’expérience des Etats du Golfe de Guinée » ;« Resolving maritime boundary overlaps beyond the 200 NM limit for the Gambia and coastal neighbours in the Atlantic coast of West Africa » ;« Nepal’s transit arrangement: International legal perspective » ;« Flag State responsibility with respect to vessel-source pollution on the high seas » ;« Deep seabed mining on the continental shelf: Environmental obligations of coastal States » ;« A dispute settlement mechanism for the BBNJ treaty » ;« The protection of persons on board fishing vessels through Article 94 UNCLOS ».

Le dernier mois du programme comprend des visites à la Commission des pêches de l’Atlantique du Nord-Est, au Secrétariat OSPAR et à l’Organisation maritime internationale (Londres), à l’Institut Max Planck de droit procédural (Luxembourg) et à l’Agence européenne de sécurité maritime (Lisbonne).
 

Programme de stage

En début d’année, le Tribunal a accueilli Hiba Brahmi (Tunisie), Mariana Cretu (Moldavie), Gustavo Luz (Brésil) et Manon Rosenthal (France) pour des stages au Service juridique. Ils ont respectivement consacré leurs recherches aux thèmes suivants : « Régime juridique de l’avitaillement en mer », « La protection de l'environnement marin dans le régime juridique de l'exploitation minière des fonds marins », « Standard de plausibilité dans les mesures conservatoires prescrites par le Tribunal international du droit de la mer » et « Attribution de la conduite à une organisation internationale pour les actes illicites d’un navire en mission internationale ». Nous nous réjouissons d’accueillir notre prochain groupe de stagiaires au Tribunal dans les semaines à venir.

Réseau des anciens

La série des manifestations du réseau des anciens s’est poursuivie avec les présentations de Mubarak Waseem (Royaume-Uni) sur son travail de barrister et membre de l’Essex Court Chambers basé à Londres et de Sebastián Preller-Bórquez (Chili) sur le thème « lntégration du développement durable dans l’adoption d’ordonnances d’urgence pour la protection du patrimoine commun de l’humanité et de l’environnement marin ».

Académie d’été IFLOS

L’Académie d’été IFLOS est prévue du 7 août au 2 septembre 2022. Des informations à ce sujet, y compris le formulaire d’inscription en ligne, sont disponibles sur le site web de la Fondation.

À la rencontre des anciens du TIDM

M. Uddav Neupane (Népal), responsable de section, Ministère des affaires étrangères du Népal, programme TIDM-Nippon 2021/2022

Lors de mon retour au siège du Ministère des affaires étrangères à Katmandou après une affectation diplomatique de quatre ans en République de Corée, j’envisageais de me lancer dans la recherche dans l’idée de faire un doctorat. C’est alors que j’appris par l’intermédiaire de DOALOS qu’il existait un programme de bourse au Tribunal et, mon Gouvernement ayant soutenu ma candidature, j’ai eu la joie d’apprendre que j’avais avait été accepté par le TIDM en 2021. Pendant ces neuf mois passés dans le programme j’ai énormément appris sur la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et les autres lois et institutions internationales régissant les affaires maritimes, un domaine d’étude qui, du moins jusqu’à l’année dernière, m’étais peu familier.

Pour le Népal, qui est partie à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer depuis 1998, le droit de la mer joue un rôle important puisqu’elle garantit notamment aux États sans littoral un droit d’accès à la mer et une liberté de transit. Pendant le programme, j’ai rédigé un travail de recherche sur les accords de transit du Népal, en m’intéressant aux organisations plurilatérales dont le Népal fait partie et aux traités bilatéraux qu’il a conclus avec les États de transit et à la manière dont, à la lumière des dispositions juridiques internationales, ces accords ont répondu aux besoins du Népal en matière de transit.

En repensant au programme, je pense que l’orientation juridique et les compétences en matière de recherche que j’ai acquises dans le cadre de ce programme constitueront une pierre angulaire de ma carrière diplomatique grâce au rôle qu’elles jouent dans la réalisation d’études argumentées sur les questions que je devrai traiter dans les années à venir.

Manifestations à venir

Atelier sur « The Role of the International Tribunal for the Law of the Sea in the Settlement of Disputes relating to the Law of the Sea », les 2 et 3 juin 2022 à Malte.

La prochaine édition de l’Académie d’été IFLOS se tiendra du 7 août au 2 septembre 2022.

L’atelier TIDM pour conseillers juridiques (parrainé par la République de Corée) se tiendra en septembre 2022.