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Lettre d'information 2021/2

mai 2021

Introduction

Je suis ravi de partager avec vous la lettre d’information du printemps de cette année. Bien que le stade de mise en œuvre des programmes de vaccination contre la COVID-19 varie selon les pays, j’espère que l’année 2021 sera une année importante dans les efforts menés au niveau mondial pour lutter contre la pandémie. Pour sa part, le Tribunal a poursuivi ses travaux et a tenu sa cinquante et unième session administrative en mars, à laquelle plus de la moitié des juges ont participé en présentiel à Hambourg, les autres y participant par liaison vidéo depuis leur domicile. Au cours de la session, les juges ont non seulement traité de différentes questions juridiques et administratives, mais aussi amendé le Règlement du Tribunal pour le rendre inclusif du point de vue du genre et approuvé les documents devant être soumis à la trente et unième Réunion des États Parties à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, dont le rapport annuel, qui est désormais accessible sur le site Web du Tribunal.

Au cours de la session, les juges ont assisté à la cérémonie de clôture du programme TIDM/Nippon Foundation de renforcement des capacités. Six des sept boursiers ont été en mesure de participer en présentiel et de présenter le résultat de leurs travaux de recherche lors de la cérémonie hybride tenue dans la salle d’audience. Nous ne doutons pas que nos boursiers sont à présent à même de conseiller leurs gouvernements et institutions respectifs sur les procédures de règlement des différends prévues par la Convention et qu’ils ont regagné leur État d’origine avec une solide connaissance de la Convention et du droit de la mer. Le processus de sélection des prochains boursiers du programme TIDM/Nippon Foundation de renforcement des capacités a commencé et nous espérons que nous serons en mesure d’accueillir le prochain groupe de boursiers au Tribunal durant les mois d’été.

Un projet important en cours dans nos locaux dont l’exécution n’a pas souffert de la pandémie est la mise aux normes des équipements techniques dans les salles d’audience du Tribunal afin de garantir que nous puissions continuer d’offrir aux parties aux affaires la plus haute qualité technologique au cours de la procédure orale. La création d’une salle d’audience provisoire, en cours d’achèvement, permettra au Tribunal de ne pas interrompre ses travaux judiciaires lors du renouvellement des équipements techniques dans la principale salle d’audience. La salle d’audience provisoire sera utilisée à compter de cet été, garantissant aux parties des installations aussi perfectionnées que celles auxquelles elles se sont habituées au fil des ans.

J’espère que vous aurez plaisir à lire la présente lettre.

Très chaleureusement,

Le Président,

Albert Hoffmann

Affaires devant le Tribunal

Les procédures sont en cours tant dans le Différend relatif à la délimitation de la frontière maritime entre Maurice et les Maldives dans l’océan Indien (Maurice/Maldives) que dans l’Affaire du navire « San Padre Pio » (No. 2) (Suisse/Nigéria). Conformément au Règlement du Tribunal, les pièces de la procédure écrite déposées par les parties seront rendues accessibles au public le jour de l’ouverture de la procédure orale. Le Tribunal rend lesdites pièces accessibles au public sur la page dédiée à chacune des affaires sur son site Web lorsque la première audience de la procédure orale commence, puis il les publie dans sa série Mémoires, procès-verbaux des audiences publiques et documents.

Entretien avec le juge Cabello Sarubbi (Paraguay)

1.       Fort de votre vaste expérience acquise au Ministère paraguayen des affaires étrangères, notamment en tant que délégué à la troisième Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer, quelle importance revêt selon vous le Tribunal pour la région de l’Amérique latine ?

Les États de l’Amérique latine et des Caraïbes ont eu un rôle très important à jouer dans le cadre de la troisième Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer. Leurs efforts et leurs opinions ont occupé une place centrale dans l’élaboration de dispositions clés de la Convention ayant trait, par exemple, aux nouvelles zones établies dans les océans, telles que la zone économique exclusive et le plateau continental. Ils étaient également représentés à un haut niveau au sein du Bureau de la Conférence, l’Ambassadeur Andrés Aguilar (Venezuela) ayant été l’un des présidents de la Conférence, et au Secrétariat, avec l’Ambassadeur Bernardo Zuleta (Colombie), Représentant spécial du Secrétaire général, et le professeur Hugo Caminos, (Argentine), Conseiller juridique, par la suite l’un des premiers juges du TIDM.

Ce ne sont que quelques exemples qui montrent l’importance que le droit de la mer revêt pour la région. Toutefois, le fait que les États de la région aient saisi le TIDM dans un nombre d’affaires relativement limité pourrait donner l’impression erronée que la région accorde moins d’importance au droit de la mer. Au contraire, ces États ont toujours été de fervents défenseurs de notre institution et le faible nombre d’affaires concernant la région ne peut être attribué qu’à des raisons telles que le fait que nombre de différends ont été réglés au moyen de négociations bilatérales ou régionales ou, lorsque l’intervention d’un tribunal a été nécessaire, le fait que les différends avaient un contenu politique si intense que les parties au différend préféraient porter leur différend devant une instance judiciaire plus universelle telle que la Cour internationale de Justice.

2.       Malgré l’espace océanique étendu qui entoure l’Amérique du Sud, un certain nombre de pays d’Amérique latine ne sont pas parties à la Convention. Pour quelles raisons selon vous ?

De fait, des États de premier plan d’Amérique latine, comme le Pérou, la Colombie ou le Venezuela, qui ont été fort actifs durant la Conférence, n’ont pas ratifié la Convention, parce que celle-ci ne répondait pas pleinement à leurs attentes originelles.

Toutefois, je considère qu’il est préférable, pour protéger nos intérêts de façon plus adéquate, de participer à un processus donné plutôt que d’être un simple spectateur. Par conséquent, je suis convaincu que, tôt ou tard, ces États comprendront, en particulier du fait de l’opinion publique, qu’il est préférable d’être partie à part entière à la Convention. Avant de voir tous ces États devenir parties à la Convention il nous faudra être patients, car la perception du temps n’est pas la même pour les individus et pour une entité complexe telle qu’un État.

D’autre part, la rédaction des dispositions de la Convention a été une telle réussite que, dans une large mesure, elles sont considérées comme étant au cœur du droit international contemporain des océans et, partant, appliquées dans leur totalité même par des États qui n’ont pas adhéré à la Convention, ce qui est une autre raison pour laquelle certains États estiment qu’il n’est pas nécessaire de se hâter de le faire.

3.       La Convention reconnaît certains droits aux États sans littoral et aux États géographiquement désavantagés. Quelle est, selon vous, l’importance de la Convention pour ces États ?

Les États sans littoral et les États géographiquement désavantagés ont également participé de façon remarquable à la troisième Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer et le Groupe a joué un rôle très important dans la phase de rédaction finale. Toutefois, là encore, les attentes de ces pays n’ont pas été pleinement satisfaites. Il est bien établi que le résultat de négociations est généralement le fruit d’un processus de concessions mutuelles.

Cependant, du moins dans le cas particulier des États sans littoral, la Convention reconnaît comme jamais auparavant, de façon complète et faisant autorité, certains droits parmi les plus importants : le droit de navigation, droit dont ils jouissent sur un pied d’égalité avec tous les autres États, le droit de passage en transit, depuis et vers les mers, et le droit de participer à l’exploitation des ressources des océans et au partage des avantages qui en sont tirés.

Tous ces droits sont énoncés dans un instrument juridique qui a fait l’objet d’un consensus si vaste des États qu’il pourrait être considéré comme quasi universel. Ce fait représente un progrès remarquable également pour ces États dont les droits par le passé étaient soumis uniquement aux conventions régionales ou générales, qui ne comptaient que fort peu de parties.

4.       La partie X de la Convention est consacrée au droit d’accès des États sans littoral à la mer et depuis la mer et l’article 125 de celle-ci énonce que les États concernés devraient conclure des accords bilatéraux, sous-régionaux ou régionaux pour convenir des « conditions et modalités de l’exercice de la liberté de transit ». Comment envisagez-vous le processus de négociation d’accords de ce type avec votre pays ?

L’Article 125, paragraphe 2, de la Convention, est libellé comme suit : « Les conditions et modalités de l’exercice de la liberté de transit sont convenues entre les États sans littoral et les États de transit concernés par voie d’accords bilatéraux, sous-régionaux ou régionaux ». Le Paraguay, comme tous les autres États sans littoral, considère que la conclusion de tels accords est une caractéristique déterminante de sa politique étrangère.

Toutefois, ces États ne sont pas tous sur un pied d’égalité pour atteindre les meilleurs résultats. Dans le cas de mon pays, en qualité d’État membre du MERCOSUR, comme le processus d’intégration au MERCOSUR touche à sa fin, l’égalité complète dans l’exercice de la liberté de circulation des personnes, des biens et des services sera réalisée. Le résultat de ce processus sera que les conditions de transit pour mon pays seront les mêmes que celles dont jouit toute partie intérieure du territoire des États côtiers qui sont parties au MERCOSUR.

5.       Quel conseil donneriez-vous aux jeunes diplomates et universitaires latino-américains intéressés par le droit de la mer ?

Dans la plupart des pays d’Amérique latine et des Caraïbes, les informations ou les formations relatives aux questions liées au droit de la mer ne sont pas facilement accessibles. Évidemment, il y a des exceptions notables (par exemple, les grands États de la région que sont le Mexique, le Brésil ou l’Argentine). Par conséquent, je conseillerais aux jeunes diplomates et universitaires de notre partie du monde de se rendre sur les plateformes d’information qu’offre le Tribunal, notamment son site Web ou d’autres liens Internet, et de se tenir au courant des nombreuses options en matière de renforcement des capacités qui sont offertes à l’heure actuelle, telles que le programme TIDM/Nippon Foundation de renforcement des capacités, l’Académie d'été de la Fondation internationale du droit de la mer ou le programme de stage du Tribunal. Il va sans dire qu’ils devraient également examiner d’autres options offertes par d’autres prestigieuses institutions, telles que l’Institut de droit maritime international à Malte, l’institut de formation de l’Organisation maritime internationale qui a élaboré des programmes de formation attirants sur tous les aspects du droit maritime et océanique.

Un autre point important à prendre en compte est que tous ces programmes offrent également une aide financière généreuse sous forme de dons ou de bourses aux étudiants originaires de pays à faible revenu.

Renforcement des capacités

Nous nous félicitons de noter qu’un certain nombre de nos programmes de renforcement des capacités ont continué d’être offerts malgré les contraintes imposées par la pandémie.

Programme TIDM-Nippon Foundation de renforcement des capacités et de formation sur les mécanismes de règlement des différends relatifs à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer

Les boursiers ont achevé leurs travaux de recherche respectifs et les ont présentés aux juges lors de deux cérémonies qui se sont déroulées les 18 et 25 mars 2021. Les thèmes traités par les boursiers sont indiqués ci-après :

  • Mme Sandrine De Herdt : L’exploration et exploitation du plateau continental au-delà de 200 M en l’absence de recommandations de la Commission des limites du plateau continental
  • Mme Mercy Afandi Olando : The role of hydrocarbons in maritime delimitation: A case study of the Kenya/Somalia maritime boundary dispute
  • M. Edgar Eduardo Noriega Herrera : The protection of the rights and interests of third States in maritime delimitation cases
  • M. Nishat Rahimov : Civil and criminal jurisdiction of coastal States for environmental pollution in the EEZ and the jurisdiction of ITLOS
  • M. Ricardo Paredes : Limitations on the right of innocent passage of nuclear and radioactive cargoes in the Caribbean Sea: Case study of the Dominican Republic
  • Mme Martha Amelia Sesay : The extension of the continental shelf beyond 200NM and its implications for States with adjacent coasts - A case study of the Sierra Leone/Liberia situation
  • M. Mohammad Zulhilmie Norazman : South China Sea disputes: Malaysia’s perspectives and approaches

Les boursiers ont passé les dernières semaines du programme à mettre la touche finale à leur travail de recherche en vue de le présenter et ont eu le plaisir de faire une visite virtuelle de diverses institutions à Londres, La Haye, Bruxelles et Kiel. Ils ont pu « visiter » la Cour internationale de Justice, la Cour permanente d’arbitrage, la Cour pénale internationale, l’Organisation maritime internationale, la Commission OSPAR, la Commission des pêches de l'Atlantique Nord-Est et la Direction générale des affaires maritimes et de la pêche de la Commission européenne (DG Mare).

Programme de stage

Les stages de Mme Chiara Pavesi (Italie) et de M. Kohji Hayakawa (Japon) auprès du Service juridique se sont achevés par la présentation de leurs travaux de recherche, respectivement intitulés « An investigation into the concept of distress and the right to access to ports in the context of the SARS CoV-2 pandemic » et « How should we interpret a recipe of rocks and islands? – Article 121 of UNCLOS and the South China Sea Arbitration ». Depuis leur départ, deux nouveaux stagiaires ont rejoint le Tribunal, Sarah‑Marie Thomas au Service de presse et Michail Michailides au Service juridique.

Académie d’été de la Fondation internationale du droit de la mer

Les organisateurs de l’Académie d'été de la Fondation internationale du droit de la mer ont décidé que le programme se déroulerait en ligne et selon un format réduit pour les candidats de 2020 et de 2021.

Réseau des anciens

Le Réseau s’étend de mois en mois. Chaque présentation réunit des anciens occupant des postes divers, liés par le droit de la mer et à différents stades de leur carrière (sans mentionner les fuseaux horaires). Les présentations récentes ont été faites par des anciens, comme indiqué ci-après : Massimo Lando, « Identifying the relevant coast and the relevant area in maritime délimitation » ; Rob Steenkamp, « Geoengineering, international law, and the ocean » ; Victor Ventura, « The practical consequences of insufficient regulation of article 82 of UNCLOS for States and the International Seabed Authority » ; et Ekaterina Antsyngina, « The prohibition of bottom trawling on extended continental shelves: Creeping jurisdiction or enforcement of sovereign rights? ». Une première table ronde sur le thème « Droit et pratique internationale de la pêche », à laquelle ont participé Buba Bojang, Strahinja Ivanovic et Vivien Deloge, des anciens qui travaillent à présent respectivement à l’Organisation des Nations Unies pour l’agriculture (FAO), à l’Organisation mondiale du commerce et à l’organisation Pew Charitable Trusts, a suscité un grand intérêt et nous espérons reprendre ce format pour de prochaines manifestations.

A la rencontre des anciens

Kristina Rzgoeva (Géorgie), boursière Nippon 2015/2016, Cheffe de la Division juridique, Office des transports maritimes, Ministère géorgien de l’économie et du développement durable

Le TIDM a complètement changé ma vie.

Je suis allée au Tribunal pour la première fois lors d’une visite effectuée en 2014 pendant un voyage d’ordre professionnel durant lequel j’ai suivi une formation à Hambourg. Je suis tombée amoureuse de l’atmosphère qui régnait au Tribunal et j’ai avidement suivi les informations et les annonces relatives aux programmes de renforcement des capacités auxquels je pourrais participer au Tribunal. Ainsi, lorsque j’ai eu la possibilité de me porter candidate au titre du Programme de bourse TIDM-Nippon Foundation en 2015, je n’ai pas hésité un seul instant.

À cette époque, j’occupais déjà le poste de chef de la Division juridique de l’Office géorgienne des transports maritimes, le seul organisme de contrôle du transport maritime en Géorgie. Parallèlement, j’étais inscrite à un programme de Master à l’université, travaillant sur la question de la délimitation maritime entre la Géorgie et la Fédération de Russie. C’est une question très sensible pour la Géorgie et, du fait que le directeur de l’agence participe au processus de négociations sur la délimitation, j’étais chargée de donner des conseils sur cette question. Je n’aurais pas pu trouver un meilleur endroit que le Tribunal pour étendre mes connaissances !

Ma participation au programme de bourse a été pour moi un grand moment. Elle m’a permis, outre les connaissances et l’expérience acquises, de rencontrer les juges et de m’entretenir avec eux, de recevoir des conseils et d’assister à des audiences, et c’est cela qui rend ce programme si spécial et fait qu’il est irremplaçable. Y avoir participé m’a aidée à élargir mes connaissances et à devenir une des rares personnes spécialisées dans le droit de la mer en Géorgie. Elle m’a donné confiance en moi et m’a aidée à prendre des décisions dans le cadre de mon travail.

À mon retour du Tribunal, outre mon poste à l’Office, j’ai été invitée à donner des cours à la Batumi State Navigation University, où je dispense depuis des cours sur le droit de la mer. De plus, comme l’enseignement maritime est réglementé et doit être supervisé et contrôlé par l’organisme compétent, j’ai collaboré avec le Ministère géorgien de l’enseignement et des sciences en tant qu’experte en enseignement maritime. Sur la base de cette expérience, j’ai été récemment nommée membre du Conseil d’approbation des établissements d’enseignement professionnel sur ordre du Premier Ministre géorgien, ce qui est un très grand honneur et une haute responsabilité pour moi. Cela m’aide à contribuer au développement de l’enseignement maritime et de l’enseignement professionnel dans d’autres domaines de manière générale sur le territoire géorgien.

En outre, je suis devenue membre de la Women in International Shipping and Trade Association (WISTA), ce qui m’a aidée à enrichir mes contacts dans le monde entier et m’a offert la possibilité de participer à la conférence « Empowering women in the maritime community » qui s’est tenue à l’Université maritime mondiale, à Malmö, à laquelle ont participé de nombreuses femmes qui exercent leur influence dans le secteur maritime. Par ailleurs, en 2018, j’ai reçu une allocation de recherche de l’Académie de Rhodes, ce qui, une fois encore, m’a offert l’occasion de rencontrer des juges du TIDM et d’autres professionnels du secteur maritime, contribuant à renforcer mes connaissances et à élargir mes contacts.

Tout ce qui précède a été rendu possible par ma participation au programme de bourse TIDM/Nippon Foundation, qui a développé mes connaissances et mon expérience, renforcé ma confiance et m’a aidée à contribuer au développement du secteur maritime dans mon pays.

Manifestations à venir

Réunion des États Parties : 21–25 juin 2021 (à déterminer).

La vingt et unième session du Processus consultatif informel ouvert à tous sur les océans et le droit de la mer, organisée sur le thème « L’élévation du niveau de la mer et ses conséquences », se tiendra du 14 au 18 juin 2021.