Lettre d'information 2025/2
Introduction
J’ai le plaisir de vous présenter l’édition d’automne de la lettre d’information du TIDM. Le Tribunal a réalisé des progrès significatifs tant dans ses travaux judiciaires que dans ses activités de renforcement des capacités, réaffirmant son engagement en faveur du règlement pacifique des différends relevant de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer ainsi qu’envers les États, en leur apportant son soutien pour renforcer leurs compétences dans le domaine du droit de la mer.
Le Tribunal a continué d’examiner ses affaires avec diligence. Les audiences publiques dans l’Affaire du navire « Heroic Idun » (No. 2) (Îles Marshall/Guinée équatoriale) ont pris fin le 14 octobre 2025 et la Chambre spéciale a commencé ses délibérations en l’affaire. À la suite de l’accord conclu entre les parties dans l’Affaire du « Zheng He » (Luxembourg c. Mexique), le délai imparti au Mexique pour déposer son contre-mémoire a été prorogé de six semaines, jusqu’au 15 décembre 2025.
En juin, à la trente-cinquième Réunion des États parties à la Convention, j’ai eu l’honneur de présenter le Rapport annuel du Tribunal et d’informer les États parties de ses travaux en cours. En septembre, le Tribunal a adopté des amendements à ses Lignes directrices concernant la préparation et la présentation des affaires, renforçant ainsi la clarté et l’accessibilité des procédures. Le même mois, j’ai conduit une délégation de juges du TIDM à la Cour internationale de Justice à La Haye pour un échange de vues – une précieuse occasion de renforcer la coopération et de partager des perspectives entre institutions judiciaires internationales.
Le renforcement des capacités reste un pilier central de nos travaux. En septembre, le Tribunal a accueilli le quatrième atelier du TIDM à l’intention des conseillers juridiques, généreusement soutenu par la République de Corée. Cette édition, consacrée aux États africains, a réuni des participants de toute l’Afrique pour une semaine d’échanges intensifs sur le règlement des différends relevant de la Convention. En juillet, nous avons également accueilli une nouvelle promotion de boursiers dans le cadre du Programme TIDM-Nippon Foundation de renforcement des capacités et de formation au règlement des différends, poursuivant ainsi une tradition qui a permis à de nombreux jeunes professionnels d’acquérir des connaissances pratiques et théoriques sur les travaux du Tribunal.
Pour ce qui est de l’avenir, les 31 janvier et 1er février 2026, le Tribunal accueillera un colloque intitulé « A Year of Climate Change in International Courts », organisé par l’Institut Walther Schücking de droit international de l’Université Christian-Albrechts de Kiel et la Fondation internationale du droit de la mer. Cet événement, qui se tiendra dans la salle d’audience principale du Tribunal, réunira des juges, des avocats et des experts dans le but de débattre des récentes décisions rendues par les cours et tribunaux internationaux du monde entier en matière de changement climatique – un échange important et opportun sur une question d’intérêt mondial.
Alors que la fin de l’année 2025 approche, le Tribunal demeure pleinement engagé dans sa mission de défense de l’état de droit dans les océans. Par nos activités judiciaires et de formation, nous cherchons à renforcer la confiance dans le système de règlement des différends prévu par la Convention et à contribuer à un ordre maritime international plus juste et plus prévisible. J’exprime ma profonde gratitude aux juges du Tribunal, au personnel du Greffe, à nos partenaires ainsi qu’à toutes celles et tous ceux qui continuent de soutenir nos travaux et à y participer.
J’espère que vous prendrez plaisir à lire cette lettre d’information.
Très chaleureusement,
Le Président
Tomas Heidar
Affaires au Tribunal
Affaire No. 32 : Affaire du navire « Heroic Idun » (No. 2) (Îles Marshall/Guinée équatoriale)
Suite à la clôture des audiences publiques le 14 octobre 2025, la Chambre spéciale délibère à présent en l’affaire.
Affaire No. 33 : Affaire du « Zheng He » (Luxembourg c. Mexique)
En vertu de l’ordonnance 2025/3 du 30 octobre 2025, le Président du Tribunal, tenant compte de l’accord des Parties, a prorogé le délai pour le dépôt du contre-mémoire du Mexique jusqu’au 15 décembre 2025.
Entretien avec M. le juge Jielong Duan (Chine)
Qu’est-ce qui vous a motivé à poursuivre une carrière dans le droit international, et comment vos expériences antérieures vous ont-elles préparé à votre rôle de juge au Tribunal ?
Lorsque j’étais étudiant en droit, j’ai cultivé un vif intérêt pour le droit international et souhaité faire carrière dans ce domaine. Après avoir obtenu mon diplôme, j’ai eu la chance d’intégrer le service juridique du Ministère chinois des affaires étrangères. Au cours de mes 35 années de carrière diplomatique, je suis passé du poste de juriste débutant à celui de conseiller juridique du Ministère, ayant été intimement associé à de nombreuses réunions et négociations multilatérales et bilatérales liées au droit de la mer. J’ai également eu des échanges et des discussions fructueuses sur les questions relatives au droit de la mer avec des experts, des universitaires et des responsables de nombreux pays. De toutes ces expériences, j’ai tiré la solide conviction que le droit de la mer est essentiel non seulement pour la paix et la stabilité mondiales, mais aussi pour le développement et la prospérité de l’humanité. C’est avec ce respect que je conçois la grandeur et la mission du Tribunal en tant que gardien de la Convention. Être juge au Tribunal, cela est pour moi non seulement un honneur, mais aussi une responsabilité accrue.
Depuis votre prestation de serment en tant que membre du Tribunal en octobre 2020, quels ont été les aspects les plus gratifiants de votre travail de juge ?
En tant que membre du Tribunal, ma tâche principale consiste à exercer les fonctions qui me sont conférées par la Convention de manière honnête, impartiale et consciencieuse. Qualifiée de constitution des océans, la Convention fournit non seulement un régime universellement reconnu par la communauté internationale, mais constitue aussi un ensemble de règles qui doivent être continuellement développées. À ce jour, le Tribunal a interprété et appliqué les dispositions de la Convention de manière progressive et efficace dans le cadre de procédures contentieuses et consultatives ; ayant dûment réglé des différends juridiques et examiné des questions d’intérêt international, il a ainsi contribué à l’usage pacifique des océans et à la protection du milieu marin. De plus, le Tribunal accorde une grande importance au renforcement des capacités et il a déployé des efforts considérables pour promouvoir la Convention et former des experts juridiques, ce qui a donné des résultats très positifs. Je suis très fier de contribuer activement à ces initiatives.
Pourriez-vous nous faire part de vos réflexions sur la manière dont les décisions du TIDM ont pu contribuer à clarifier des questions qui revêtent une importance particulière pour les États d’Asie ?
En tant qu’organe judiciaire créé en application de la Convention, le Tribunal est chargé de statuer sur les affaires soumises par les États parties conformément à la Convention. Les arrêts et avis consultatifs rendus par le Tribunal sont pertinents et ils ont de l’influence dans la mesure où ils traitent des questions relatives au droit de la mer qui se posent à tous les États ; ils méritent donc de jouir d’une grande considération et d’être étudiés de manière approfondie. Les États peuvent avoir des préoccupations diverses concernant les questions juridiques relatives aux mers et aux océans, voire des vues différentes sur les dispositions de la Convention. C’est précisément cet écart que le Tribunal est censé combler. Je me réjouis de voir un nombre croissant de pays asiatiques s’engager activement et interagir avec le Tribunal, leurs contributions étant consignées et versées aux dossiers des affaires de par leur participation aux procédures du Tribunal.
Quels conseils donneriez-vous aux jeunes praticiens du droit international (en particulier à ceux originaires d’Asie) qui aspirent à contribuer au droit de la mer, que ce soit en tant que conseillers juridiques, universitaires ou peut-être même, un jour, en tant que juges internationaux ?
Dans la tradition chinoise, les jeunes sont comparés au soleil levant, ils sont le symbole de la vigueur, de l’énergie et font preuve de courage dans leur exploration et leur progression. À mesure que le régime du droit de la mer établi par la Convention s’est développé et qu’il a été largement accepté, de plus en plus de jeunes juristes et universitaires de tous les pays se sont engagés dans sa pratique et son étude. Ils explorent les questions émergentes, proposent de nouvelles idées et contribuent à l’établissement d’un nouveau consensus. Il faut reconnaître que le régime établi par la Convention doit s’adapter et répondre aux nouveaux défis et développements au moyen de son interprétation et de son application. J’espère que les jeunes juristes et universitaires engagés dans ce domaine suivront de près la pratique des États dans la mise en œuvre de la Convention, qu’ils participeront activement aux programmes du Tribunal en matière de renforcement des capacités et aux mécanismes connexes, et continueront d’enrichir leurs connaissances théoriques et pratiques. Je souhaite et je crois que les jeunes d’aujourd’hui seront bien préparés à prendre le relais pour contribuer au développement progressif du régime du droit de la mer établi par la Convention.
Conférences et manifestations du TIDM
Le 29 septembre, le président Heidar a conduit une délégation de juges du TIDM en visite à la Cour internationale de justice à La Haye. Les juges ont participé à des discussions et échangé des vues sur des questions intéressant à la fois le Tribunal et la Cour.
Renforcement des capacités
Le quatrième atelier du TIDM à l’intention des conseillers juridiques (parrainé par la République de Corée) s’est tenu au Tribunal en septembre et a accueilli des participants originaires des pays suivants : Algérie, Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cap-Vert, Côte d’Ivoire, Égypte, Érythrée, Éthiopie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Libéria, Mali, Mauritanie, Niger, Nigéria, Rwanda, Sao Tomé-et-Principe, Sénégal, Sierra Leone, Somalie, Soudan, Soudan du Sud, Tchad, Togo, Tunisie et Ouganda.
En juillet, Giselle Amorim Nery de Mesquita (Brésil), Claire Atangana Menyengue (Cameroun), Giolena Exarchou (Grèce), Eléonore Guglielmi-Talamon (France) et Febryani Sabatira (Indonésie) ont rejoint le Tribunal pour effectuer un stage au sein du service juridique. Le groupe 2025/26 des boursiers TIDM-Nippon Foundation est également arrivé au Tribunal en juillet, plus tard dans le mois. Les sept boursiers, John Psalmuel V Chan (Philippines), Brenda Joy Dhliwayo (Zimbabwe), Zulaikha Ibrahim (Maldives), Muneeb Khan (Pakistan), Ama Kokwe Asare Korang (Ghana), Paulo Henrique Reis de Oliveira (Brésil) et Anaïs Rémont (France), après avoir suivi l’Académie d’été de l’IFLOS, continuent de participer à une série intensive de conférences, d’ateliers et de visites.
Début octobre, le dernier groupe de stagiaires de 2025 a rejoint le service juridique. À la fin de leur stage de trois mois, Mathilde Abalo (Togo), Martina Marčáková (Slovaquie), Harold Minarro-Escalona (Venezuela), Melanie Partalala (Kenya) et Xueer Tang (Chine) présenteront les thèmes de leurs travaux de recherche respectifs.
À la rencontre des anciens
Abdou Khadir DIAKHATE (Sénégal), Chargé de l’Harmonisation des politiques et législations des pêches à la Commission sous-régionale des pêches (CSRP)
Le programme TIDM-NIPPON de renforcement des capacités et de formation en matière de règlement des différends relatifs à la Convention des Nations unies sur le droit de la mer a marqué une étape importante de ma vie tant sur le plan académique que sur le plan professionnel.
Ce programme m’a permis d’approfondir mes connaissances dans les différents domaines du droit de la mer et tout particulièrement les mécanismes de règlement des différends, tels que prévus par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM).
Mon séjour au TIDM en 2015-2016 a été une occasion unique de pratiquer et de comprendre les procédures et le fonctionnement du Tribunal, mais aussi d’autres institutions internationales à travers le monde telles que la Cour Internationale de Justice et l’Organisation Maritime Internationale, entre autres.
J’ai ainsi pu renforcer mes connaissances sur des questions juridiques relatives aux espaces maritimes, à la délimitation du milieu marin, à la protection de l’environnement marin, à la conservation des ressources halieutiques, à la lutte contre la pêche INN, etc. Ces connaissances ont considérablement enrichi mes perspectives de recherches doctorales.
D’un point de vue professionnel, ce programme a joué un rôle clé dans l’orientation de ma carrière vers des fonctions à haute responsabilité dans le domaine du droit international.
L’approche interdisciplinaire et pratique du programme m’a donné les outils nécessaires pour assurer au sein de la Commission sous-régionale des pêches (CSRP), organisation intergouvernementale de coopération halieutique, les charges liées à l’harmonisation des politiques et législations des pêches de ses sept États membres (les Républiques de Cabo Verde, de Gambie, de Guinée, de Guinée-Bissau, de Mauritanie, du Sénégal et de Sierra Leone).
Dans le cadre de mes fonctions à la CSRP, j’interviens aujourd’hui dans plusieurs forums internationaux sur des questions qui touchent principalement à l’harmonisation des politiques et législations des pêches, à la lutte contre la pêche INN et à la gestion durable des ressources halieutiques. L’an dernier, après des années d’effort, nous avons réussi à obtenir la signature de la Convention sur le Suivi, Contrôle et Surveillance des activités de pêches dans les zones maritimes sous juridiction des États membres de la Commission sous-régionale des pêches, de son Protocole d’application, ainsi que du Statut de l’observateur des pêches à compétence sous-régionale. Cette signature constitue l’aboutissement d’un processus de plus de dix années de concertations, d’échanges techniques et de négociations entre les États membres de la CSRP. Elle témoigne d’une volonté politique forte de nos gouvernements de faire face au fléau de la pêche INN.
Grâce à ma participation au programme TIDM-NIPPON et à l’Académie d’été de la Fondation internationale du droit de la mer, j’ai également pu bâtir un solide réseau international de passionnés du droit de la mer composé d’experts, de juristes, de diplomates et d’universitaires du monde entier.
Au-delà du renforcement des capacités de jeunes cadres, le TIDM accompagne aussi les États et les organisations internationales pour une bonne application de la Convention. C’est pourquoi, forte de son expérience et des résultats acquis lors de sa demande d’avis consultatif auprès du TIDM le 2 avril 2015, la CSRP envisage une nouvelle fois de saisir le Tribunal pour une nouvelle demande d’avis sur l’usage obligatoire du système d’identification automatique (AIS) par tous les navires de pêches en haute mer, faisant suite à son side event de haut niveau à l’UNOC3 le 12 juin 2025, à sa 22e session ordinaire de la Conférence des Ministres tenue à Dakar (Sénégal) le 3 juillet 2025, et aux résultats notables obtenus dans l’Accord BBNJ qui entrera en vigueur le 17 janvier 2026.
Manifestations à venir
La soixante-et-unième session administrative du Tribunal se tiendra du 16 au 27 mars 2026.
Un colloque intitulé « A Year of Climate Change in International Courts », organisé par l’Institut Walther Schücking de droit international de l’Université Christian-Albrechts de Kiel et par la Fondation internationale du droit de la mer, se tiendra dans les locaux du Tribunal les 31 janvier et 1er février 2026. Le dépliant de l’événement est disponible ici.